Atelier "action citoyenne et lutte sociale"

Rédigé par Bertrand Lacoste

Un constat préoccupant

On assiste à la fois à une radicalisation des luttes et des attentes d'une partie importante de la population et à une résistance déterminée de la part de nos dirigeants qui imposent leurs réformes et leur programme impassiblement. Les luttes prennent des aspects très fermes : maintien sur site de cadres ou de patrons, résistances citoyennes, présence spectaculaire et inégalée dans les cortèges (20 000 à Orléans le 19 mars). Face à cela, les gouvernants opposent l'inflexibilité dans leur démarche de destruction des protections sociales et du secteur public et la pénalisation des mouvements citoyens et syndicaux.

La réponse politique ou syndicale face à cette offensive antisociale et destructrice n'est pas à la hauteur des enjeux. Certes, l'unité syndicale est appréciable .Mais elle débouche sur des propositions décalées par rapport au niveau de mécontentement de tous ceux qui subissent les conséquences des mesures de délocalisation des entreprises privées ou/et la dévastation des services publics ( enseignement, transports, santé etc).

Tous déplorent l'incapacité des syndicats et de l'opposition (?) à organiser une riposte cohérente et efficace pour répondre à une offensive globale et réfléchie. Le scepticisme et la déception gagnent du terrain en même temps que les luttes se durcissent en raison d'un désespoir croissant, lié à l'atomisation des forces et à la dispersion des luttes. L'organisation de pique-niques ou de manifestations bimensuelles(ou/et le 1 mai) apparaissent davantage comme des dérivatifs à la colère ambiante que comme des initiatives permettant de créer un rapport de force significatif et efficace pour inverser le cours des choses.

La nécessité de combiner une réponse sociale et des perspectives politiques interroge sur l'ordre des priorités ou la méthodologie : fédérer les luttes autour de plates-formes revendicatives communes à tous les secteurs concernés, ou investir l'espace politique pour le resocialiser...?

L'importance du combat médiatique apparaît à travers le surinvestissement dans les divertissements (détournement et amusement) orchestrés par le pouvoir, la primauté donnée aux sphères émotionnelles et pulsionnelles dans l'information, et la confiscation des médias par la droite et son leader Nicolas Sarkozy.

Le déséquilibre dans le rapport de force actuel résulte également de l'abandon ou de la faiblesse du combat idéologique menée par la « gauche ». Comme elle s'en vante elle-même, la droite a gagné la bataille des idées en martelant, sans véritable opposition ou contradiction, ses idées (individualisme, bienfaits du profit, privatisation etc) depuis des décennies à travers ses clubs de réflexion, ses lobbies et ses relais médiatiques.

Des perspectives à construire unitairement

Tous les participants à l'atelier expriment, sous une forme ou sous une autre, la nécessité de se donner des outils pertinents et percutants dans un souci permanent d'unité. Plate-forme commune, convergences dans les luttes, réponse globale, on retrouve sous des appellations différentes une même préoccupation : agir ensemble, exclure les réponses sectaires, isolées et parcellaires. Tous souhaitent allier l'action spectaculaire ou médiatique avec l'efficacité du terrain. La question du mode de communication s’est posée de façon insistante : contacts avec les journalistes qui partagent notre sensibilité, création de blog etc.

Il s'agit de trouver un équilibre organisationnel entre la spontanéité et la structuration, et une articulation revendicative entre les urgences pressantes et la nécessité d'un combat durable. Il s'agit, encore, d'associer toutes les énergies et les forces collectives ou individuelles pour s'impliquer tous ensemble dans des combats convergents en évitant les comportement hégémoniques ou récupérateurs, les querelles d'ego ou de clan assez décourageants en général.

On pourrait ainsi, selon le consensus apparent, constituer une structure commune entre tous ceux, organisations, partis, syndicats, associations, citoyens non organisés qui sont attachés à des idées communes, des biens à préserver collectivement, des valeurs partagées. L'appellation de cette structure est indifférente même si un certain consensus s'est fait autour de l'idée de « réseau ». Il serait animé par un bureau collégial et tournant. Il définirait des priorité d'actions autour desquelles toutes les autres composantes mèneraient une mobilisation commune. Il s'agirait de définir ces priorités en les inscrivant, certes, dans un objectif général mais de façon suffisamment concrète et ciblée pour permettre des victoires intermédiaires.

L'objectif est de sortir de la résignation ou de l'incantation pour signifier que la lutte unitaire et clairvoyante paie.